Haut les cœurs, éboueurs !
Des tas de sacs poubelle flasques dont s’échappent d’affreux liquides et des odeurs nauséabondes jonchent les trottoirs de Paris. Ces immondices exposées au grand air de la capitale rappellent en puant un invariant du capitalisme : quand les travailleurs s’arrêtent, personne ne prend leur place. Allons, Parisiens qui râlez : soyez conséquents ! Organisez-vous donc et débarrassez la ville de ces ordures qui vous font défaillir. Au lieu de pleurnicher et de prendre des photos en secouant la tête, Parisiens en carton, empoignez donc ces sacs et emmenez-les quelque part ! Vous ne savez pas ? Vous n’osez pas ? Vous ne voulez pas vous salir ? Vous ne voulez pas risquer une maladie ? Vous, (...)
La critique des armes
’est une somme, un pavé d’érudition sur un objet qui n’a jamais laissé personne indifférent : les armes, vues en tant qu’objets révolutionnaires.
Leur usage révolutionnaire « est chargé de sens politique très précis : le refus de la délégation de souveraineté, du monopole de la violence étatique, de l’autorité et du militarisme ; l’exercice de la délibération citoyenne, de l’action collective, de l’autonomie, de la justice populaire » (p. 17).
Pourtant, dès le début, un constat de Engels du 3 novembre 1892 nous plonge en pleine modernité : « Vous aurez vu les rapports des journaux sur l’effet terrible, au Dahomey, des nouveaux projectiles. Un jeune médecin viennois qui vient (...)
Mon pauvre lapin
ous avons une amie avec qui les livres font toujours de curieux chemins. Pour mémoire, c’est elle qui nous avait fait découvrir Nancy Houston en l’oubliant sous un canapé lors de l’un de ses séjours. Pour son anniversaire, sur les conseils d’une libraire, je lui ai offert Mon pauvre lapin. Je n’avais pas idée de quoi il s’agissait, mais l’enthousiasme de la femme – davantage que les quelques passages feuilletés m’avaient convaincu : voilà donc le cadeau. Notre amie est revenue nous voir quelques mois plus tard, elle le terminait. « C’est très drôle, merci, jolie lecture » me dit-elle. C’est l’histoire d’un jeune homme qui ne sait pas ce qu’il va faire de sa vie, hypocondriaque et (...)
Pas pleurer
« L’évêque-archevêque de Palma désigne aux justiciers, d’une main vénérable où luit l’anneau pastoral, la poitrine des mauvais pauvres » (p. 11). Le livre commence fort, avec cette citation de Georges Bernanos. Un mauvais pauvre, c’est un pauvre qui se rebiffe contre sa condition ; c’est un pauvre que l’on peut fusiller, avec la bénédiction des curés. Les exploités sont l’une des grandes voix du roman. L’histoire est racontée par deux femmes, la mère et la fille. La mère a vibré pendant la révolution espagnole de 1936, avant de fuir en France acculée par la victoire des fascistes. Des années plus tard, la fille - la narratrice - recueille le témoignage de sa mère. En écho à sa mère (...)
Le Grand Meaulnes
n adolescent tombe amoureux d’une jeune fille, à l’adolescente, c’est-à-dire en un coup d’oeil. Et c’est la vie qui y passe, dans cet amour romantique. Le narrateur nourrit, lui, une admiration empreinte de mystère, d’un profond sentiment d’étrangeté et de proximité pour le jeune homme et l’intensité de sa passion. Passe un peu de temps et l’amour tombe en marche. Le grand Meaulnes se marie avec Mademoiselle de Galais, la belle jeune femme qui a abandonné l’autre mariage qui l’attendait. Le narrateur devient instituteur et sa plume raconte l’école, la campagne, leurs grandes petites aventures d’enfants d’une écriture entraînante, douce et teintée de nostalgie. Et peut-être est-ce cette (...)
Les passagers de la nuit
e choisis le cinéma, la séance. Sûr de faire plaisir à ma compagne - Charlotte Gainsbourg à l’affiche, elle kiffe - mon choix s’arrête sur "Les passagers de la nuit", de Mikhaël Hers. Je ne sais presque rien du film, seulement qu’il s’agit d’une femme que son mari vient de quitter, de la vie avec ses deux grands adolescents, d’une émission de radio nocturne et que ça se passe au début des années 80. Lorsque nous nous installons dans la salle, une angoisse m’étreint : je vais passer près de deux heures avec une actrice qui chuchote, semble souvent déprimée, je vais subir une histoire glauque ou triste, ou les deux, dans un décor d’une époque dont je n’aime presque rien, les années 80, (...)
Grève au menu du Wepler
e passe régulièrement prendre un café au Wepler, Place de Clichy. C’est une grande et prestigieuse brasserie que j’ai l’impression de connaître depuis toujours : mes grands-parents y allaient lorsqu’ils venaient à Paris, il y a des dizaines d’années. Je suis sûr que son allure imposante, ses grandes couleurs rouge en impressionnent beaucoup. Pourtant, le matin, café et petit déjeuner sont à des prix raisonnables. Les serveurs et les serveuses sont toujours d’un grand professionnalisme, et, surtout, très gentils et attentionnés. À l’ancienne. Le soir, nous y allons parfois avec ma compagne, pour les grandes occasions, anniversaires, fêtes. Mais les prix sont alors très élevés.
Vendredi (...)
Continuer
ne femme que l’on découvre fragile, un peu perdue, décide d’essayer de sauver son fils. Lui est un jeune en train de mal tourner : il fréquente des types d’extrême droite, il a assisté, passif, au viol d’une fille perpétré par ses amis aux cranes rasés et aux idées courtes… Sa mère lâche tout et l’emmène pour un long périple à cheval – l’un des intérêts passés de son fils – au Kirghizistan.
Ça commence bien. Mais ça commence mal. C’est, au début, le style qui me tirait par la manche et me susurrait : laisse tomber.
Ça commence par un vilain petit artifice de style, des « on » pour décrire ce que font les personnages : « On n’a pas le temps de se dire qu’on peut mourir ici [...] » (p. (...)