Les pigeons

J’aime les pigeons parisiens. Je les aime et je les admire. Et je filerai avec plaisir une mandale à quiconque soutiendra qu’il les méprise. Ceux qui parlent de rats volants ou se moquent de leur démarche, de leurs pattes, ceux qui voudraient les voir disparaître ou les regardent avec peine, allez au diable. Les pigeons parisiens sont beaux. Regardez-les avec attention, vous verrez. Regardez-les déambuler avec cet air d’avoir tout compris à la ville ; regardez-les se faire la cour, vous en prendrez des leçons. Regardez la nonchalance avec laquelle ils s’écartent, doucement, comme si rien ne pouvait leur arriver, quand approche une voiture. Regardez leur courage. Nous qui ne mourrons plus que dans nos lits comme des machins qui ne savent plus quoi faire, eux s’encastrent sous des voitures avec panache. Trépassent sous des griffes. Ils n’ont pas peur, vivent avec leurs risques et font ce qu’ils ont à faire. Et regardez le soin qu’ils portent à leurs petits. On ne sait pas où ils les élèvent et pourtant ils le font, et bien. Vrai ça, je ne n’ai jamais vu de bébé pigeon. Et quand ils en ont marre de nos gueules tristes, de nos plaintes et de notre narcissisme, de nos gaz ou de nos bruits de moteur, ils s’envolent. Ils montent et là ils deviennent les plus belles créatures qui soient. Et nous ressemblons à des tas de chairs mal finies, avec nos oreilles plissées, nos poils épars et notre soumission à la gravité. Et je les regarde s’élever au-dessus de ma ville, voler au-dessus des toits, des immeubles et des tours, et je les envie. Alors, vraiment, faut pas les faire chier, les pigeons parisiens.

Les pigeons



Leo S. Ross
30 04 2020